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Le livre de la pitié et de la mortby Pierre Loti
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Je voudrais connaître une langue à part, dans laquelle pourraient s'écrire les visions de mes sommeils.
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Mon Dieu, que de mots et que de longues phrases pour expliquer lourdement tout cela qui se passait sans durée et sans bruit
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dans ce monde où nous ne savons rien de rien, il ne nous est même pas permis d'avoir pitié d'une façon intelligente.
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J'ai vu souvent, avec une sorte d'inquiétude infiniment triste, l'âme des bêtes m'apparaître au fond de leurs yeux
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de nouveau, comme au début de ma vie, je limite le monde extérieur à ces vieux murs garnis de lierre et de mousse qui m'ont enfermé quand j'étais petit enfant; les lointains pays où je suis tant de fois allé vivre me semblent aussi irréels qu'aux temps où j'y rêvais sans les avoir vus.
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d'indéfinissables maladies entreprirent de désorganiser leurs petites personnes
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il y avait partout grande fête des choses sans âme et des bêtes légères que la mort n'inquiète pas.
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je me rappelai tout à coup, avec une envie de sourire et un demi-serrement de cur, une scène bien oubliée
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ce cri qui n'espère plus rien, qui ne s'adresse plus à personne, qui est comme une protestation suprême jetée à la nature elle-même
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tout ce qui était autour de ces os enfin, est devenu un peu de terre...
Page 44 - 7 March 2021
Jamais il n'y avait eu plus rayonnante journée de juin, jamais plus tiède silence traversé de si gais bourdonnements de mouches; la cour était toute fleurie, les rosiers couverts de roses; un calme de village, de campagne, régnait dans les jardins d'alentour; les hirondelles et les martinets dormaient; seule, la tortue éternelle, Suleïma, d'autant plus éveillée qu'il faisait plus chaud, trottait allégrement sans but, sur les vieilles pierres ensoleillées.
Page 54 - 27 June 2021
Déjà se dressait devant ma route le sombre et révoltant mystère de l'anéantissement brutal des personnalités, de la continuation aveugle des familles et des races...
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La vraie nuit allait venir...
Page 68 - 4 September 2021
Oh! le temps jeune que c'était!... oh! y revenir rien que pour une heure, rebrousser chemin à travers les durées accomplies, ou seulement s'arrêter un peu, ou seulement ne pas courir si vite à la mort...
Page 68 - 4 September 2021
Ils s'en souviendront même à peine, eux, de celle qui s'en va.
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Et c'est encore presque un peu de ma jeunesse qui s'éparpille là par terre...
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sans pitié comme les enfants.
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Il n'y a rien à faire pour ce papillon; il est doublement perdu, à cause du froid et à cause de ce trou qui lui traverse le corps; rien qu'à abréger sa fin. Je le prends, en lui faisant le moins de mal possible, et je le jette au milieu du brasier de la cheminée, où il est consumé instantanément, son âme exhalée en une fumée imperceptible.
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Et je me lève en hâte, dans la nuit de gelée, les dents claquant de froid, pour courir où l'on m'appelle...
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Son visage actuel est plutôt une représentation idéale d'elle-même
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Cet arrangement, ces fleurs sur ce lit, tout cela est tel que je l'avais souhaité, et tel que je l'avais, pour ainsi dire, vu par avance avec une tristesse anticipée.
Page 78 - 3 April 2022
Mes souvenirs d'enfance me reviennent ce soir avec une netteté rare. Ils me reviennent pour l'adieu sans doute
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En public, on devient presque inconscient
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c'était ma joie et ma paix
Page 82 - 28 August 2022
peut-être des ancêtres jamais vus, de l'île d'Oléron, ou des descendants n'ayant pas encore existé
Page 82 - 28 August 2022
Nous étions sous l'impression de la mort de tante Claire, mais cette impression s'amoindrissait de la conscience que nous avions de la fin de tout et de nous-mêmes; le regret de ce qu'elle était perdue se diffusait dans une plus universelle mélancolie d'anéantissement. Et ce soleil, qui se couchait si tranquille, comme assuré d'une durée encore illimitée, nous le regardions avec une sorte de haine...
Page 82 - 28 August 2022
Les paroles que la voix prononça, retrouvées ensuite au réveil, se suivaient incohérentes et dénuées de sens; là, au contraire, elles m'avaient paru d'une profondeur apocalyptique, formulant des révélations supérieures... Dans le rêve, peut-être est-on plus lucide pour les mystères, plus capable de pénétrer dans les dessous insondés des origine et des causes...
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c'est étrange comme, aux instants de fatigue ou de douleur, de très grande surexcitation nerveuse quelconque, ce sont toujours les impressions d'enfance qui reparaissent et qui dominent tout...
Page 83 - 28 August 2022
je m'écartais de lui avec respect pour ne pas gêner son vol
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J'arrivais seul, attendu par personne, après une absence qui avait tant duré.
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J'ai été presque attristé de l'ordre parfait rétabli partout, de la tranquillité insouciante des choses...
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Je retourne chez moi, dans mon cabinet de travail et, accoudé à ma fenêtre ouverte, en fumant une cigarette d'Orient, je regarde, comme depuis des années, la rue familière, le quartier qui ne change pas
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A cause du désespoir d'une bête, n'est-ce pas, on ne va pas changer la direction d'un navire et
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empêcher trois cents hommes de manger leur ration de viande fraîche! On passerait pour un fou, si seulement on y arrêtait une minute sa pensée.
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cette figure inquiète, ces yeux qui brillaient d'anxiété intelligente, malgré la buée que les ans avaient soufflée dessus pour les ternir...
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et pourquoi s'obstinaient-ils à vivre, quand la terre était là toute prête pour les recevoir
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Kaka-San s'affaissa, la bouche ouverte, le corps tout de côté, à moitié tombée de sa boîte et les bras pendants, comme la poupée d'un guignol de pauvres qui serait au repos, la représentation finie.
Page 96 - 30 October 2022
On entendait un léger frémissement dans les feuillages: c'étaient les Esprits des ancêtres de Kaka-San qui venaient la recevoir à son entrée dans le pays des Ombres.
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